Mémoire du Mouvement Desjardins

Sommaire

Dans le cadre des consultations prébudgétaires du Comité permanent des finances de la Chambre des communes, le Mouvement Desjardins profite de l’occasion pour partager ses priorités concernant l’élaboration du budget 2012. De façon générale, le gouvernement fédéral semble sur la bonne voie pour rétablir l’équilibre budgétaire, un objectif incontournable afin de permettre au Canada de conserver ses acquis sur l’échiquier mondial. Ainsi, le budget 2012 doit se faire dans un esprit de continuité. Cela ne doit toutefois pas empêcher le gouvernement fédéral de mettre l’accent sur certaines priorités. En outre, le ministère des Finances doit trouver un moyen de poursuivre les investissements dans les infrastructures. Pour y parvenir, une remise en question du financement des infrastructures sera nécessaire. Compte tenu de la situation financière fragile des provinces et des territoires ainsi que de certains ménages, le gouvernement fédéral doit également s’abstenir de réduire les transferts aux particuliers et aux autres administrations publiques, et ce, malgré l’importance de ces derniers dans les dépenses totales du gouvernement. Enfin, le ministère des Finances doit poursuivre sa lutte à l’endettement élevé des ménages canadiens.

Un budget de continuité

D’abord et avant tout, le budget 2012 doit être élaboré dans un contexte de continuité. Rappelons que les dernières années ont été tumultueuses avec la récession mondiale et la crise financière. De concert avec les autres gouvernements des principaux pays industrialisés, le Canada a mis en place un important plan de relance qui a grandement contribué à la reprise économique au pays. Cela a permis à la production d’entamer un nouveau cycle d’expansion à l’été 2010 et au marché du travail de récupérer entièrement les emplois perdus.

Le Canada se retrouve maintenant dans une position très avantageuse sur l’échiquier planétaire. Non seulement la reprise économique est plus avancée que dans la plupart des pays industrialisés, mais la situation financière du gouvernement fédéral s’améliore progressivement. En outre, les effets combinés de l’accélération de la croissance économique et de la fin du plan de relance du gouvernement favorisent une nette réduction du déficit budgétaire. De plus, grâce à un examen stratégique des dépenses budgétaires, le gouvernement fédéral planifie un retour graduel à l’équilibre d’ici l’exercice 2015-2016. Bien peu de gouvernements au sein des pays industrialisés disposent d’un plan d’assainissement des finances publiques aussi bien étoffé. Il s’agit là d’un net avantage et, pour le conserver, le gouvernement fédéral se doit de prioriser la continuité dans l’élaboration de son prochain budget. Ainsi, en maintenant un contrôle serré sur ses dépenses et en poursuivant son examen stratégique, le gouvernement devrait être en bonne position pour maintenir des taux d’imposition à des niveaux relativement faibles et atteindre éventuellement l’équilibre budgétaire.

Cela dit, de nombreuses incertitudes demeurent en place en ce qui concerne la vitalité de l’économie mondiale. Le Canada étant une économie très ouverte au commerce international, il va de soi que les perspectives de croissance au pays en sont affectées. En outre, les problèmes de dettes souveraines en Europe et la situation des finances publiques aux États-Unis pourraient encore amener de mauvaises surprises. Dans ce contexte, le gouvernement fédéral se doit de demeurer prudent dans l’élaboration de son budget 2012. En outre, les prévisions économiques et financières qui seront utilisées dans le prochain budget seront inévitablement entachées d’incertitudes étant donné le climat actuel. Dans ces conditions, le gouvernement fédéral serait très avisé de réintroduire une réserve budgétaire de prudence dans ses projections.

Le maintien de l’objectif d’un retour à l’équilibre budgétaire ne devrait toutefois pas empêcher le gouvernement fédéral de prioriser certaines actions dans son prochain budget. En ce sens, le Mouvement Desjardins propose les trois recommandations suivantes :

Recommandation no 1 : Assurer des infrastructures de qualité

Ayant souffert d’un financement inadéquat pendant de nombreuses années, les infrastructures publiques se font vieillissantes un peu partout au pays. Au Québec, le pont Champlain (de juridiction fédérale) arrive à la fin de sa vie utile, l’échangeur Turcot doit être reconstruit et de nombreuses autres artères routières sont en piètre état. De plus, les réseaux d’aqueduc et d’égout posent problème dans de nombreuses municipalités au pays.

Or, la présence d’infrastructures de qualité est primordiale pour une économie. Elle permet notamment une bonne circulation des biens et des personnes, ce qui se traduit par des coûts moins importants pour les entreprises et les Canadiens et engendre des gains de productivité. Cela favorise aussi les investissements, avec entre autres l’implantation de nouvelles entreprises au pays.

Le plan de relance économique mis de l’avant par le gouvernement fédéral lors de la dernière récession a certes permis un certain rattrapage, mais, compte tenu de l’ampleur des besoins, il reste encore beaucoup à faire. Or, avec la fin du plan de relance, il est à craindre que le financement manque à nouveau, ce qui ralentirait considérablement le renouvellement des infrastructures au pays.

Dans ces conditions, nous recommandons au gouvernement fédéral de mettre sur pied, en étroite collaboration avec les autres gouvernements concernés, un programme de long terme qui permettra un financement adéquat pour la modernisation des infrastructures. A priori, l’introduction d’un tel programme pourrait s’avérer très coûteuse pour le gouvernement fédéral et pourrait par conséquent compromettre le retour à l’équilibre budgétaire. L’assainissement des finances publiques étant un objectif incontournable, le gouvernement se doit donc de trouver des sources additionnelles de financement qui lui permettraient de poursuivre l’amélioration des infrastructures. D’une part, le gouvernement pourrait reporter les baisses d’impôt prévues pour les entreprises. Ces dernières sont d’ailleurs d’importants utilisateurs des infrastructures canadiennes et il va de soi qu’elles doivent aussi être mises à contribution. D’autre part, le principe d’utilisateur-payeur devrait être encouragé par le gouvernement fédéral en ce qui concerne les infrastructures dont il est responsable.

Recommandation no 2 : Maintenir les transferts

Compte tenu de la nécessité d’exercer un contrôle serré sur les dépenses, il pourrait être tentant de réduire les transferts aux autres administrations publiques ainsi qu’aux particuliers comme cela a été le cas au début des années 1990 lors du début de la lutte aux déficits. Il faut dire que ce type de dépenses accapare une proportion importante du budget fédéral. Selon les projections du ministère des Finances, les transferts aux provinces et territoires s’élèveront à 58,2 G$ lors de l’exercice 2011-2012, tandis que les transferts aux particuliers devraient atteindre 70,6 G$. Ces composantes représentent à elles seules près de 52 % des dépenses de programmes. Or, il apparaît primordial que le gouvernement fédéral ne coupe pas dans ces transferts.

Du côté des provinces et territoires, une diminution des transferts aurait d’importantes répercussions sur leur situation financière, déjà précaire en raison des effets néfastes de la récession et d’un déséquilibre fiscal de plus en plus apparent. La majorité des provinces prévoient d’ailleurs un déficit budgétaire significatif en 2011-2012.

Les transferts aux particuliers se composent essentiellement de l’assurance-emploi et de la prestation de la Sécurité de la vieillesse. La création d’emplois a certes été bonne au cours des derniers mois et les revenus progressent à un rythme relativement élevé, mais de nombreux ménages ne se sont pas encore remis de la dernière récession et leur situation demeure difficile. Par exemple, le taux de chômage a atteint 7,2 % en juillet dernier. Il s’agit d’un niveau inférieur au sommet de 8,7 % observé au pire de la crise, mais il y a encore beaucoup de terrain à récupérer pour rejoindre le creux de 5,9 % répertorié au début de 2008. De plus, le nombre de ménages dans une situation précaire vis-à-vis du marché du travail est nettement plus élevé si l’on tient compte des chercheurs d’emploi découragés, des travailleurs en attente d’un rappel ou d’une réponse ainsi que des Canadiens travaillant à temps partiel de façon involontaire. Ainsi, le taux de chômage serait légèrement au-dessus de 10 % si l’on tenait compte de ces travailleurs habituellement exclus des statistiques officielles. En ce qui concerne la Sécurité de la vieillesse, plusieurs aînés vivent au seuil de la pauvreté, et le gouvernement se doit de maintenir les prestations, et ce, même si le vieillissement de la population entraînera inévitablement au cours des prochaines années une hausse des coûts de ce programme.

Recommandation no 3 : Favoriser une réduction de l’endettement des ménages

Notre dernière recommandation concerne l’endettement des ménages, qui a fortement augmenté au cours des dernières années. Puisque les taux d’intérêt demeureront vraisemblablement bas encore longtemps, il est indéniable que cela encouragera les Canadiens à s’endetter davantage. Pour l’instant, la situation demeure sous contrôle grâce aux taux d’intérêt peu élevés, ce qui freine la progression des frais d’intérêt. Un jour ou l’autre, les taux seront toutefois appelés à augmenter significativement, si bien que certains ménages canadiens pourraient rencontrer des difficultés à respecter leurs engagements financiers.

Le gouvernement fédéral a déjà pris plusieurs mesures au cours des dernières années afin de restreindre l’accessibilité du crédit hypothécaire. Nous encourageons le ministère des Finances à poursuivre dans cette voie. Évidemment, la grande difficulté dans l’implantation de telles mesures est la disparité du marché immobilier observée au sein des différentes régions. Par exemple, le marché de la région de Vancouver et celui des copropriétés à Toronto paraissent particulièrement préoccupants compte tenu de leur forte appréciation survenue au cours des dernières années. Par contre, avec la libre circulation des capitaux, il est difficile de cibler une région en particulier dans l’établissement de normes pour le financement hypothécaire.

Même si le crédit hypothécaire est en grande partie responsable de l’accroissement de l’endettement des ménages observé au cours des dernières années, il n’en demeure pas moins que le crédit à la consommation a aussi augmenté significativement. Or, le gouvernement fédéral n’a pas vraiment posé d’actions pour restreindre la progression de ce segment du crédit aux ménages. Le crédit à la consommation représente pourtant une part non négligeable de l’ensemble du passif ménages (28 %).

C’est dans ce contexte que le Mouvement Desjardins a annoncé en mars dernier qu’il haussera de 3 % à 5 % la proportion du solde minimum qui doit être payé sur ses cartes de crédit. L’objectif est d’inciter une gestion encore plus responsable du crédit. Le Mouvement Desjardins encourage le gouvernement fédéral à étendre cette mesure à l’ensemble des cartes de crédit au pays avec une modification de la réglementation.